Douleurs de l’épaule 

L’épaule douloureuse est parmi les motifs les plus fréquents de consultation en pratique orthopédique ou rhumatologique.

Si l’on exclut tout ce qui est en rapport avec un traumatisme récent (fracture, luxation…), on retrouvera le plus souvent une atteinte périarticulaire (ancienne » périarthrite « ), ce qui place au premier rang la pathologie de la coiffe des rotateurs et la capsulite rétractile.

Néanmoins, comme les autres articulations, l’épaule peut être le siège d’arthrite, d’arthrose et d’autres pathologies articulaires ou osseuses, voire de douleurs projetées (d’organes de voisinage).

L’étape diagnostique est donc fondamentale puisque la guérison en dépend, ce d’autant que l’épaule a la réputation d’être susceptible aux traitements inadaptés ou mal conduits : les caractéristiques de la douleur, l’étude des mobilités passives et actives, l’existence de preuves d’instabilité ou de souffrance tendineuse et musculaire, de même que la présence de signes variés (tuméfaction, fièvre, autres articulations touchées, atteinte neurologique) orienteront le praticien face à votre problème. Parfois d’autres examens seront nécessaires (radiographies ou imagerie plus sophistiquée, prise de sang, électromyogramme…)

Dans la grande majorité des cas, 4 tableaux cliniques distincts orientent le praticien vers les différents diagnostics étiologiques :

L’épaule douloureuse simple

(Les mobilités actives sont parfois limitées par la douleur, mais les mobilités passives, bien que douloureuses, ne le sont pas) : conséquence le plus souvent d’une tendinite dégénérative de la coiffe des rotateurs à ses différents stades ou d’une tendinite calcifiante au stade chronique, parfois d’une arthrose (gléno-humérale ou acromio-claviculaire).

L’épaule pseudo-paralytique

(Limitation marquée des mobilités actives, sans limitation des mobilités passives) : elle résulte d’une rupture importante de la coiffe des rotateurs si l’examen neurologique est normal (sinon il s’agit d’une épaule paralytique).

L’épaule gelée

(Limitation franche des mobilités actives et passives) : elle résulte le plus souvent d’une capsulite rétractile mais peut aussi être la conséquence de toute autre atteinte articulaire (séquelle de fracture ou d’intervention chirurgicale, arthrose, arthrite infectieuse, inflammatoire ou micro-cristalline).

L’épaule hyperalgique

(Caractérisée par une douleur violente, une limitation majeure des mouvements actifs et passifs rendant l’examen clinique souvent presque impossible de ce fait). Elle peut résulter d’une arthrite aiguë (arthrite septique, chondrocalcinose, …,) mais le plus souvent, il s’agit d’une bursite aiguë (épanchement sous tension secondaire à une tendinite calcifiante en poussée.

Qui incriminer ?

La pathologie dégénérative de la coiffe des rotateurs

C’est une pathologie très fréquente car la voute acromio-coracoïdienne est rigide et agressive (en particulier le bord externe du ligament acromio-coracoïdien), le tendon du sus- épineux se retrouvant souvent coincé entre la tête humérale et le ligament acromio- coracoïdien lors de l’abduction ou de l’élévation du bras ( » Impingement syndrom  » de Neer). Des microtraumatismes répétés peuvent être responsable de cette atteinte (de nombreuses activités, professionnelles ou sportives, la favorisent), même si l’on sait que naturellement, les tendons se dégradent avec l’âge (baisse de la vascularisation dès la quarantaine).

Les muscles le plus souvent atteints sont le sus-épineux et le long biceps. Il faut distinguer les tendinopathies (inflammation du tendon) , qui peuvent être calcifiantes ou non et les ruptures tendineuses, qui peuvent être partielles ou complètes (transfixiantes). Le plus souvent, il s’agit d’un patient autour de la cinquantaine qui se plaint de douleurs sourdes de l’épaule, de topographie imprécise, lors de la mobilisation. La douleur est souvent nocturne et peut réveiller la nuit (cf la pathologie dégénérative de la coiffe des rotateurs).

La capsulite rétractile

Cette affection, appelée aussi  » épaule gelée  » est la conséquence d’une algodystrophie réflexe sympathique, qui peut atteindre l’ensemble du membre supérieur (syndrome  » épaule-main « ), mais reste souvent limitée à l’épaule. Elle peut compliquer une quelconque des atteintes dégénératives de l’épaule mais aussi les traumatismes, les affections coronariennes cardiaques, les affections chroniques pulmonaires, le diabète, les accidents vasculaires cérébraux, les prises médicamenteuses (barbituriques, rifampicine …)

La capsule articulaire s’épaissit, devient inextensible, adhérente à la tête humérale et les mobilités sont effondrées. Le traitement est long et délicat, les séquelles fréquentes (cf capsulite rétractile).

La pathologie acromio-claviculaire

L’articulation acromio-claviculaire est souvent le siège d’arthrose, car elle est sollicitée à chaque élévation du bras au-dessus du plan de l’épaule. Cette atteinte arthrosique est souvent associée aux lésions de la coiffe des rotateurs par la tuméfaction et l’ostéophytose (saillie osseuse) inférieure qu’elle peut entraîner. Parfois, il s’agit d’une séquelle de traumatisme (cf pathologie acromio-claviculaire).

Les traumatismes anciens

Notamment s’il s’agit de séquelles de fractures, mais la plupart du temps il s’agit de problèmes d’instabilité qui peuvent être évidents (luxation récidivante.) ou parfois plus frustres (subluxations, épaule douloureuse pure par accidents d’instabilités passés inaperçus). D’autres lésions (bourrelet, SLAP, conflit postéro-supérieur du sportif de lancer) ont été récemment individualisées grâce aux progrès des techniques chirurgicales arthroscopiques. L’hyperlaxité peut être un terrain favorisant, expliquant ces atteintes en dehors de tout véritable traumatisme retrouvé à l’interrogatoire (cf instabilité antérieure de l’épaule).

Les arthroses (omarthroses)

Elles se rencontraient le plus souvent dans le cadre des ruptures massives négligées de la coiffe des rotateurs (omarthroses excentrées). Le traitement chirurgical précoce de ces ruptures actuellement fait que ces arthroses sont le plus souvent centrées et sans cause retrouvée (idiopathique). Parfois, il s’agit de séquelles de fractures ou d’interventions.
Dans d’autres cas, destruction conséquence d’un rhumatisme inflammatoire connu (cf arthrose de l’épaule)

Les arthrites

L’articulation gléno-humérale, comme les autres articulations synoviales, peut être le siège de diverses arthropathies. La douleur est inflammatoire (la nuit, dérouillage matinal) et le contexte le plus souvent évocateur : arthrite inflammatoire dans le cadre d’un rhumatisme inflammatoires chronique (polyarthrite, spondylarthrite, rhumatisme psoriasique, maladie de Horton…), arthrite infectieuse (à germe banal après une infiltration…, tuberculose), arthrite microcristalline (dépôts de cristaux ressemblant à la « goutte » comme dans la chondrocalcinose articulaire de l’épaule ou l’épaule de Milwaukee).

L’ostéonécrose aseptique de la tête humérale (ostéonécrose idiopathique)

La nécrose de la tête humérale se voit chez les patients dyslipidémiques, éthyliques ou après corticothérapie locale ou générale. Elle est beaucoup moins fréquente qu’au niveau de la hanche.

L’épaule « neurologique »

La douleur d’épaule en rapport avec une arthropathie neurologique de l’épaule est souvent secondaire à une syringomyélie. Il s’agit d’une arthropathie destructrice indolore ou peu douloureuse et le patient est alerté par la diminution de mobilité et la gêne fonctionnelle.
D’autres atteintes non destructrices de l’articulation existent et constituent un ensemble très hétérogène qui n’est souvent pris en compte que tardivement devant une douleur d’épaule : il faut citer dans ce cadre :

Épaule « centrale », responsable d’une hypotonie des muscles de l’épaule accompagnant toute atteinte centrale importante (hémiplégie le plus souvent), se traduisant par une subluxation inférieure de la tête humérale

La névralgie cervico-brachiale de topographie C5 (compression de la racine C5 par une hernie discale et/ou une arthrose localisée à l’émergence de cette racine nerveuse)

Les atteintes du plexus brachial supérieur héréditaires, traumatiques, hypertohiques ou tumorales (schwannomes le plus souvent ou après irradiation après cancer du sein), la plus connue étant compressive (syndrome du défilé des scalènes)

Les atteintes tronculaires : nerf spinal, nerf phrénique, nerf dorsal de l’omoplate, nerf du long thoracique (nerf de Charles Bell, responsable d’une paralysie du grand dentelé décollant l’omoplate), nerf sus-scapulaire (dues à un kyste soit dans l’échancrure sous-coracoïdienne, soit lorsqu’il contourne l’épine de l’omoplate), nerf du grand dorsal, nerf circonflexe innervant le deltoïde

Les atteintes du plexus brachial supérieur héréditaires, traumatiques, hypertohiques ou tumorales (schwannomes le plus souvent ou après irradiation après cancer du sein), la plus connue étant compressive (syndrome du défilé des scalènes)

La névralgie amyotrophiante de Parsonnage et Turner, rare, probablement d’origine auto-immune, se manifeste par une douleur brutale de la région de l’épaule, suivie quelques jours plus tard, d’une amyotrophie et d’une faiblesse musculaire, parfois très importante. Les facteurs déclenchants sont nombreux (vaccinations, infections virales, simples traumatismes). Ce syndrome est spontanément résolutif (mais souvent incomplètement). Il ne semble pas exister de traitement spécifique

Autres étiologies

L’épaule sénile hémorragique du sujet âgé

L’épaule « musculaire », dues aux myopathies (myopathies facio-scapulo-humérale,
polymyosite, myopathie à inclusion, myopathies mitochondriale ou métabolique)

Les destructions dues à l’hémophilie, au tabes, à la maladie de Paget

Les tumeurs synoviales (synovite villo-nodullaire, ostéochondromatose, tumeurs
malignes)

Les tumeurs osseuses primitives (variées mais peu fréquentes)

Enfin les localisations métastatiques d’autres cancers (rares au niveau de l’épaule)

Conclusion

Devant une douleur de l’épaule, la triade interrogatoire-examen clinique-radiographies est incontournable. Il faut évoquer en premier lieu une atteinte de la coiffe des rotateurs ou une capsulite rétractile dont le traitement est difficile et surtout pas chirurgical (tout du moins à la phase aigüe ou en l’absence de séquelles).

Il ne faut pas non plus négliger les autres diagnostics, souvent variés mais qui s’inscrivent dans un contexte le plus souvent évocateur.

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